Vient 1914, la guerre à laquelle Raoul ne peut se soustraire. Il laisse alors Yvonne avec son enfant en bas âge, une ferme et un ou deux charretiers, employés de la ferme. Il y a sur le sujet une anecdote très significative. C'est la veille du départ pour l'armée. Raoul fait les comptes avec sa femme, afin qu'elle ait ce qu'il faut pour faire fonctionner le domaine. Parmi tous les sujets abordés, il y en a un sur lequel il lui demande de ne pas s'inquiéter. C'est le boucher. À l'époque, il n'y a pas de convention collective mais un contrat moral qui prévoie obligatoirement pour le personnel deux jours de vraie viande : boeuf ou veau (pas de volaille, cochon ou mouton...). Il a un accord avec le boucher de Rugles qui moyennant une somme forfaitaire de 20 francs, lui procure la viande de la semaine.
La pauvre Yvonne tient le coup jusqu'à fin 1915, mais en y laissant petit à petit sa santé. Elle va alors habiter à Paris où ses parents ont pris un "pied à terre". Sa mère et son jeune frère André viennent de s'installer rue Vercingétorix dans le 14ème arrondissement (non loin de Montparnasse) afin qu'André puisse y faire ses études loin des bombes qui tombent sur Dunkerque.
Le père d'Yvonne et d'André*, lui, est resté à Dunkerque, pour prendre la direction des "comptoirs liniers" après avoir quitté Baccarat un an plus tôt.
Pendant ce temps, Raoul est sur le front à Verdun en tant que télégraphiste. En mars 1916, il rentre soudainement avec une diphtérie à soigner. Son Etat Major lui donne trois mois de convalescence qu'il passe à Dax dans les Landes où sa femme le rejoint depuis Paris. De ce court répit pour Raoul et Yvonne, naîtra neuf mois plus tard, Marguerite-Marie. Mais avant, Raoul doit repartir sur le front en juin 1916. Il est affecté à un centre de travailleurs chinois réquisitionnés et dirige une des équipes. Il n'en reviendra définitivement qu'en 1918, extrêmement marqué par l'épreuve des tranchées.
Son épouse, de son côté, est elle aussi fort épuisée. Après avoir mis au monde Marguerite-Marie le 7 février 1917 chez ses parents à Paris, elle donne naissance le 28 janvier 1919 à Simonne (avec deux "n") dans le 6ème arrondissement de Paris, près de Notre-Dame-des-Champs.
C'est alors que son beau-père,
Albert Liébaut*, propose au couple de s'installer avec les trois enfants (dont le plus âgé, Michel n'a que 6 ans) à Malo-les-bains. Il trouve un travail pour Raoul, à Petite-Synthe sur la commune de Dunkerque, dans l'usine de jute des "comptoirs liniers" dont il est maintenant co-directeur. Le beau-père et le gendre s'estiment beaucoup malgré des caractères très différents. Raoul accepte la proposition.